Le retour au temps des serfs
Sarkozy, Fillon et plus globalement le gouvernement se targuent de parvenir à 7,2 % de chômeurs. Or ce chiffre recèle une réalité beaucoup moins glorieuse. Outre le fait que ce taux soit sujet à controverses car il peut varier du simple au double étant donné que les calculs officiels ne prennent en considération que la catégorie 1 des demandeurs d’emploi inscrits à l’ANPE. En mars 2008 la catégorie 1 représentait 1 905 500 chômeurs alors que toutes catégories confondues le nombre est de 3 460 600 sans comptabiliser les Rmistes, les seniors de + de 55 ans et les personnes en formation professionnelle. Manipulation des données, au détriment de la transparence qui devrait être une règle de gouvernance.
Par ailleurs les motifs de radiation se multiplient. Le refus de deux offres raisonnables d'emploi entraînera la radiation. Cette notion d'offre valable d'emploi varie dans le temps. Les chômeurs seront astreint d’accepter une offre d'emplois dès lors qu’elle se situe à 30 kilomètres ou une heure de transports en commun de leur domicile et que la rémunération équivaut à 95 % de son salaire précédent, passant à moins 80% au bout de six mois puis au bout d’un an il devra accepter dès lors que la rémunération est supérieure à l’allocation. (de moins en moins bien rémunérées à mesure que leur durée de chômage s'accroîtra). Les motifs de radiation seront décuplés et la majorité pourra se vanter d’être parvenu au plein emploi (considérant que 5% correspond à un emploi frictionnel). C’est une dévalorisation massive du travail salarié. (Reste que ces contraintes géographiques sont souvent incompatibles avec la vie familiale). Ceci est très préoccupant car l’un des indicateurs d’exclusion qui figurent parmi les onze retenus, par l’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale dans son 5° rapport, concerne le taux de demandeurs d’emploi non indemnisés. Ce taux connaît une augmentation marquée de 2,6 points au cours de la période récente (de 37,7 % en 2004 à 40,3 % en 2006), dans un contexte global de baisse du nombre de demandeurs d’emploi et de développement de l’emploi précaire.
Il en demeure pas moins qu’il y a une reprise de créations d’emplois qui sont principalement de l’intérim ou des temps partiels. Ce phénomène, qui n’est pas récent, a conduit à l’émergence de travailleurs pauvres. Cette catégorie étant à ce jour en forte augmentation non seulement pour des raisons liées à la faiblesse des ressources mais également pour des événements tenant plus du lien social : séparation, licenciement, retraite, décès d’un des parents pendant l’enfance,… Nul n’est à l’abri d’une telle difficile occurrence qui conduit à se retrouver en marge de la société. Cécile Brousse, en 2006, fait état d’une étude réalisée (en 1996 semble-t-il) par laquelle il est constaté que les origines, pouvant conduire à devenir SDF, étaient le départ du domicile conjugal (26 %), la fin de la vie commune avec les parents (21 %), les sorties d’institutions (foyer de travailleurs, hôpital, prison) (12 %) et enfin les déménagements motivés par des raisons économiques (recherche d’emploi, mobilité professionnelle) ou personnelles (mise en couple, agrandissement de la famille) (3 %). Ainsi, nul n’est à l’abri d’être confronté à un moment donné de son existence à ces difficultés. Ce serait faire preuve d’un optimisme démesuré de croire que cela ne nous arrivera jamais d’être en souffrance économique, d’autant que les raisons peuvent être liées à des accidents d’ordre privé qui conduisent à un partage des biens. Le passage d’une vie active à la retraite mène parfois au même résultat de déréliction et de pauvreté. En effet, le taux de pauvreté des personnes âgées seules s’est accru sur la période récente. Entre 1996 et 2005, la progression du niveau de vie des plus de 65 ans a été inférieure à celle du niveau de vie des actifs (+0,8% contre +1,3 %). Le niveau de vie des ménages les plus modestes a moins augmenté chez les retraités que chez les actifs sur la période récente.
Le nombre de travailleurs pauvres aurait augmenté entre 2004 et 2005, dans une proportion variant selon la définition adoptée : de 30 000 personnes, selon la définition française, à 100 000 personnes, selon la définition européenne. Concomitamment, le taux de renoncement aux soins augmente depuis trois ans. Il est en augmentation de 11,2 à 13 %, entre 2002 et 2004. Pourtant la franchise médicale n’était pas encore instaurée. Il peut donc être raisonnablement subodoré que cette tendance est, désormais, exponentielle.
Auparavant, celui qui travaillait était assuré de se garantir de tout aléa, désormais, ce n’est plus vrai. C’est le retour au temps de serfs.