Les jeunes et Ségolène
…Je vous dirai la vérité car, de toutes les démagogies, la plus insupportable est celle qui ment aux jeunes. Et de toutes les droitures, la première est celle qui consiste à dire la vérité aux jeunes. […] si la jeunesse n’a pas toujours raison, la société qui l’ignore ou qui la frappe a toujours tort.
On le sait bien : vous, les jeunes, vous possédez un sentiment profond de la vie, le sens du tragique et le sens de la fête. Je crois que la jeunesse est à la fois angoissée par le doute sur son avenir […] mais aussi portée par la passion de l’espérance […]
Alors, qu’est-ce qu’une femme socialiste, candidate à la Présidence de la République, peut vous dire ce soir qui ne soit pas convenu et qui ne triche pas avec vous ? Qu’elle sait tout, que tout vous sera donné sans effort ni travail ? Vous ne me croiriez pas et vous n’aimeriez pas.
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Vous ne voulez plus survivre : vous voulez vivre. Moi aussi, et nous allons le faire ensemble !
Vous ne voulez plus subir un système froid, cynique, égoïste et calculateur : vous voulez construire une nouvelle France et nous allons la faire ensemble !
Cette élection est un choix de civilisation entre l’humanisme et l’égoïsme, entre la fraternité créative et la concurrence destructrice, entre le respect pour chacun ou la guerre de tous contre tous.
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Et d’abord, connaître et exercer ses droits, entendre et remplir ses devoirs, pourvoir à ses besoins et assurer son bien-être sont les ressorts d’une société qui va de l’avant.
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Il y a ceux qui pensent que les jeunes sont un problème, qui n’en parlent qu’en termes de délinquance, qui ne cessent de les stigmatiser.
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L’ascenseur social, comme le dit Jamel Debbouze, reste bloqué au sous-sol et ne dessert plus les étages du haut. Et le modèle que la Droite propose à nos enfants face aux grandes transformations du monde se résume à peu près à ceci : " sois compétitif, ne pense qu’à toi-même et surtout, tais-toi ! " Est-ce cela que vous voulez ?
Entre la génération des Trente Glorieuses et les " Cinq années piteuses ", il y a parfois un fossé d’incompréhension et d’indifférence. Et je vous le dis ce soir : un ordre n’est pas juste, qui fait peser sur vos seules épaules les baisses d’impôts accordées, aujourd’hui, aux plus riches, car elles ne sont rien d’autre que les dettes de demain, qu’il vous faudra acquitter. Un ordre n’est pas juste, qui vous lègue un système de protection sociale qui protège de moins en moins. […] Un ordre n’est pas juste, qui considère les enfants de la République inégaux en droits tout en leur imposant les mêmes devoirs.
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Le couvercle a été mis avec l’espoir qu’il tienne jusqu’à l’élection, à moins que l’organisation de la sécurité devienne un argument de campagne pour faire peur dans la dernière ligne droite et frapper les esprits, complaisamment relayé par les médias amis du pouvoir, ceux-là même qui se demandent tous les jours si je vais tenir et s’il ne faudrait pas changer de candidate. J’entendais ça ce matin. Alors, ces médias amis du pouvoir, qui relaient tous les coups, tous les pièges, tous les chausse-trappes, je leur dis, ce soir, qu’avec vous, nous n’avons pas peur et que nous resterons debout !
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Ce sont ceux qui ont érigé la précarité en norme de référence qui ont détruit la valeur-travail et qui n’ont plus, aujourd’hui, aucune légitimité politique pour la défendre. C’est nous qui la défendrons, parce que c’est le respect du salarié et du travailleur, la sécurité dans le contrat de travail, le salaire décent et durable qui constituent les fondamentaux de la valeur-travail et non pas le contraire. C’est la précarité qui tue la valeur-travail. Ce sont les bas salaires qui tuent la valeur-travail. Ce sont les salariés " jetés " qui tuent la valeur-travail. Ce sont les exonérations fiscales aux plus riches qui tuent la valeur-travail. Ce sont les rémunérations scandaleuses des hauts dirigeants d’entreprises et les stock-options qui sapent la valeur-travail. Ce sont les inégalités économiques et sociales qui sapent et qui gangrènent la valeur-travail. […]. Et je le dis ici : je serai la Présidente de la République qui réalisera ce que la Gauche a souvent promis, mais jamais réalisé : faire en sorte qu’une bonne fois pour toutes, le travail soit moins taxé que le capital !
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Et puis, c’est à vous, les jeunes, que je m’adresse pour préparer l’après-pétrole et engager les dépenses d’avenir qui protègeront notre planète.
[…]Et enfin, aussi, je veux une nouvelle donne avec la jeunesse quand l’état de santé des jeunes se dégrade. Un étudiant sur quatre renonce à des soins faute d’avoir les moyens d’aller chez le médecin. […] Je veux la mise en place d’une carte santé jeune, pour que les jeunes puissent bénéficier de consultations médicales gratuites. Et parce que je pense que les grossesses précoces non désirées constituent une atteinte insupportable à la liberté des filles, je réaliserai la contraception gratuite pour toutes les jeunes filles jusqu’à l’âge de vingt-cinq ans..
[…]
Je veux opposer une morale de l’action à ceux qui viennent de nous annoncer un nouveau contrat de travail qui n’est rien d’autre que le CNE ou le CPE généralisé. Non ! Il faut empêcher ça !
[…]
Je veux un pays qui vous écoute, un pays qui vous comprenne, mais un pays qui soit exigeant envers vous, […], un pays qui entende ce que lui dit Diam’s dans " Ma France à moi " : " Il ne faut pas croire qu’on la déteste, mais elle nous ment (…). Ma France à moi leur tiendra tête jusqu’à ce qu’ils nous respectent ". […], ce n’est pas un besoin de discrimination positive, c’est tout simplement un déficit d’égalité, donc un besoin, tout simplement, d’égalité réelle. C’est cela, le défi qu’il faut construire !
Je veux une France qui […] (refuse) tous les communautarismes. C’est à votre génération de refuser tous les communautarismes ! Ne l’oubliez pas, parce qu’en grandissant, les barrières se dressent, les limites s’installent, les manipulations trouvent leur place. La recherche de je ne sais quelle paix sociale pousse les gens à se replier sur eux-mêmes et sur je ne sais quelle communauté.
[…]
je pense aussi au droit à la mobilité. […] en commençant par les jeunes qui sont au premier niveau de la formation professionnelle, en commençant par les jeunes apprentis qui réussissent leur CAP : la République leur paiera le permis de conduire. C’est à la fois une récompense de leur effort d’avoir accédé à cette première qualification, et beaucoup de jeunes, dans les métiers manuels, ont, en plus, besoin de ce permis pour aller travailler. C’est à la fois une récompense de leur effort et un droit fondamental à la mobilité.
Tout cela, c’est le premier étage d’un dispositif d’ensemble : un modèle qui replace le citoyen, son autonomie et donc, sa dignité au centre de toute politique de l’emploi, et pas seulement pour celle des jeunes. Cela se prolongera avec le droit au premier emploi : je ne veux plus qu’un jeune qualifié ou diplômé reste sans rémunération et au chômage au-delà de six mois sans avoir, soit une formation complémentaire rémunérée, soit un emploi. […] faire cet effort pour donner à tous les jeunes, ceux qui n’ont pas de piston, ceux qui n’ont pas de soutien, ceux qui n’ont pas de relations et qui, souvent, à diplôme égal, n’ont pas la chance de faire leurs preuves. […]
Enfin, je voudrais vous dire que ce que je veux, pour vous aussi, c’est la conquête de l’esprit d’entreprise, de l’esprit de création. ….
extraits du discours de Ségolène à Grenoble