Effet de ciseaux préoccupant
La production mondiale de pétrole et de gaz sera bientôt insuffisante pour satisfaire la demande croissante. L'EIA (l’Agence Internationale de l’Energie) prévoit une production moyenne de 2007 de 84,64 Mb/jour contre 84,5 Mb/jour en 2006.
L’extraction mondiale d’or noir est quasiment à son paroxysme. Selon Matthew Simmons, le pic de production de l'Arabie Saoudite a probablement été atteint en 1981 et se basant sur les données réelles de la Saudi Aramco il estime que "Les gisements, qui constituent un cinquième des réserves connues, seront bientôt épuisés"
Le pétrole est une ressource limitée et la consommation de pétrole augmente de façon exponentielle. Le développement économique de la Chine (+17% par an), de l’Inde, du Vietnam et des pays d’Asie créé déjà des tensions sur le marché des matières premières. Selon une estimation de l'EIA, la consommation mondiale de pétrole pourrait croître de 60 % entre 2002 et 2030. La demande de pétrole continue à s’accélérer alors que les réserves s’épuisent. Il est évident que tôt ou tard le clash se produira. Avant d’atteindre ce point de rupture, il y aura une tension sur les prix (un baril à 100 dollars est certainement très proche), précurseur de mouvements sociaux. « Dans l’hypothèse fort probable d’un effet de ciseaux entre une demande qui croît très vite et une production qui plafonne, il serait en effet logique que les prix continuent à augmenter, que des efforts soient donc engagés pour modérer la consommation, d’autres pour développer des solutions alternatives. »( Hugues de Jouvenel)
Si la Russie est le troisième exportateur mondial qui ne consomme que la moitié de sa production, il n’en est pas de même des Etats-Unis qui, bien que producteur, dépend des importations pour plus de 40%. L’économie américaine est donc condamnée à importer toujours plus de pétrole et c'est pourquoi les Etats-Unis s’intéressent de plus en plus au Moyen-Orient. La situation européenne est plus critique encore ! La politique énergétique commande donc la politique internationale. « Il est, à ce sujet, intéressant de noter l'origine pétrolière de la crise qui a amenée la guerre du Golfe : débiteur de 40 milliards de dollars prêtés par les pays arabes pour la guerre sanglante de huit ans contre l'Iran, l'Irak estimant que s'étant battu seul pour une cause commune, on devait lui remettre sa dette ce que refusa nettement le Koweit, qui augmenta, de plus, sa production et donc faisant baisser le prix du brut alors que l'Irak souhaitait vendre le sien aussi cher que possible pour reconstituer ses finances. (1 $ de moins au baril signifiait pour l'Irak une perte de 1 milliard de dollars par- an, le prix du brut étant alors descendu à 12 dollars, cela signifiait une perte de 6 à 7 milliards de dollars par an pour l'Irak). Est-il utile de préciser que ce n'est sans doute pas sans le conseil intéressé des Etats Unis que le Koweït prit cette position ? […]les soucis humanitaires et écologiques souvent proclamés de toutes parts ne sont trop souvent qu'une excuse ou un masque. » (André Pertuzio)
Pour Nicolas Sarkis, directeur de la revue ’’Pétrole et gaz arabes’’ « la quasi-totalité de ces nouveaux besoins ne peut être assurée que par cinq pays : l’Arabie Saoudite, l’Irak, l’Iran, les Emirats arabes unis et le Koweït ». On en revient donc au Moyen-Orient. Et, au grand dessein de l’Oncle Sam, de redessiner la carte de la région pour en faire une zone plus conciliante. (Jean Jacques avec Stéphane Gillier). Dans cet esprit, l’intervention en Afghanistan était ainsi prévue avant l’attentat du 11 septembre 2001. (Professeur Roger TEBIB). Le douloureux événement du 11 septembre 2001 fut pour les Etats-Unis un prétexte pour rentrer en guerre contre l'Afghanistan, puis dans la même logique (mais travestie sous des affirmations fallacieuses de détention d’arme de destruction massive) contre l'Irak. Ceci afin de s'approprier toutes les richesses de ce sol. Lawrence Lindsey, chef économiste de la Maison Blanche, avait indiqué dans une interview accordée au Wall Street Journal qu’un « changement de régime en Irak permettrait d’accroître la production mondiale de pétrole de trois à quatre millions de barils par jour ».
De plus, « La brigade Badr, qui contrôle en gros tout le sud [de l’Irak], est entraînée par l’Iran. Ils ont des liens étroits qui ne feront que se renforcer. Ce qui donne une alliance informelle Irak/Iran. De plus, juste de l’autre côté de la frontière avec l’Arabie Saoudite, il y a une population chiite qui a été sévèrement réprimée par la tyrannie intégriste soutenue par les Etats-Unis. Tout mouvement vers l’ indépendance en Irak aurait de fortes chances de les encourager, et c’est déjà en cours. Et il se trouve que c’est là que se trouve la majorité du pétrole Saoudien. Alors, vous pouvez imaginer le parfait cauchemar pour Washington, à savoir une alliance chiite qui contrôlerait la majorité du pétrole mondial, indépendante de Washington et probablement tourné vers l’est, où la Chine et d’autres sont impatients de nouer des relations, et qui sont déjà en train de le faire. Pour Washington, ce n’est même pas concevable. Au stade où en sont les choses, les Etats-Unis préféraient une guerre nucléaire à une telle situation. » (Noam chomsky [en photo]). La guerre en Irak est largement une question de pétrole (Alan Greenspan). L’Afghanistan et l’Irak sont désormais dépendants dans une relation presque de type néo-colonial.
L'invasion de l'Irak achève l'encerclement de l'Iran. Ce dernier dispose de réserves gigantesques (137 milliards de barils). Il aurait une potentialité de production sur le long terme, lui permettant d’être dans le trio de tête avec l’Arabie Saoudite et la Russie. Par ailleurs l’Iran est l'une des voies "naturelles" d'exportation du pétrole de la Caspienne. L’Iran est accusé de vouloir fabriquer des bombes nucléaires. Sarkozy qui semble se rallier à la position de Ségolène Royal, n’accepte pas que l’Iran détienne de centrale nucléaire civile. Pourtant le programme nucléaire iranien a, quant à lui, débuté en 1957 avec l’aide des États-Unis (programme US Atom for Peace) qui ont livré en 1960 un premier réacteur d‘étude à l’université de Téhéran (Bernard Hourcade Directeur de recherche au CNRS, « Monde iranien ».)
Les USA n’ont pas les moyens de déclarer une nouvelle guerre. En effet le déficit budgétaire 2006 des USA est estimé à 423 Milliards de dollars, marquant ainsi un nouveau record historique.(cf l’article La Maison Blanche révise à la hausse le déficit budgétaire record de 2006, Eric Chalmet, La Tribune, le 07/02/06, p6). (Aurélie Noailly Rédactrice Francebourse.com), le soutien et la participation de la France prévus par sarkozy et Kouchner constituent une aubaine. (Kouchner, l'un des rares hommes politiques qui fut favorable à la guerre contre l'Irak.)
Peu importe que la situation budgétaire de la France soit préoccupante, que notre dette soit abyssale. Ce sera l’occasion pour Sarkozy et Kouchner de jouer à leur jeu favori: exploiter l’émotion comme ils savent si bien le faire et organiser de grands et coûteux shows médiatiques dont ils seront les vedettes ! Ce seront pourtant nos fils, nos frères, nos pères qui seront envoyés dans ce conflit aux risques d’y mourir ou être handicapé à vie. Pour l’heure la position vindicative de la France met nos ressortissants à l’étranger en grand danger (le numéro 2 d’Al Qaïda a appelé à soutenir la branche nord africaine du réseau terroriste. Afin de débarrasser le Maghreb des français et espagnols installés dans les anciennes colonies d'Afrique du Nord.)
L’intention guerrière de la France est peu compréhensible car les mesures de rétorsion actuelles semblent suffisantes d’autant que « les technologies utilisées en Iran sont obsolètes, l’uranium enrichi produit n’aura pas les caractéristiques techniques permettant de l’utiliser dans des centrales électriques. Sans une coopération très active avec d’autres pays, l’Iran ne pourra pas devenir un partenaire scientifique ou industriel de niveau international. Par ailleurs, dans le contexte mondial actuel, la politique nucléaire iranienne conduit à un isolement politique, économique et technologique de plus en plus lourd, qui bloque le développement des productions de pétrole et de gaz. En se lançant dans l’industrie nucléaire, l’Iran est peut-être tombé dans un piège. » (Bernard Hourcade Directeur de recherche au CNRS, « Monde iranien ».
Par ailleurs, il serait préférable de préparer sérieusement l’après pétrole. La demande de pétrole continue à croître alors que les réserves s’épuisent, pourtant aucune solution viable n’existe aujourd’hui si ce n’est d’apprendre à consommer moins. Le biocarburant par exemple est loin d’être la panacée. Tout d’abord il convient de préciser que l’exemple brésilien ne peut s’appliquer à la France car la France ne produit pas de l’éthanol avec de la canne à sucre mais à base de betterave (70%) et de céréales (30%) qui coûte le plus chère au contribuable et qui réduit le moins les émissions de CO².( Claude Mandil, colloque Facteur 4). Les inconvénients sont majeurs et multiples. Le bio-carburant a un rendement inférieur à 30% vis à vis de l'essence et pollue : plus grande acidification de l’atmosphère et eutrophisation des eaux provoqués respectivement par le dioxyde de soufre dû à la combustion du carburant et par les nitrates suite à l’utilisation d’engrais. Par ailleurs pour faire rouler 20 millions de voitures, il faut 3 fois la surface cultivable en France. Cette insuffisance de surface cultivable en France favoriserait la déforestation, entraînerait une pression foncière importante et favoriserait l’inflation sur les produits alimentaires car diminuerait les surfaces agricoles utilisées pour l'alimentation humaine. Les biocarburants ne peuvent donc pas représenter une énergie de substitution au pétrole, tout au plus un complément. En ce qui concerne le véhicule électrique, les batteries sont encore beaucoup trop lourdes et à trop faible autonomie.
Dans ces circonstances, investissons dans la recherche plutôt que dans des dispositifs belliqueux ne représentant pour l’heure aucune nécessité.