Une monarchie élective néanmoins maintenue
Au sujet de la lettre publique du 12 novembre 2007 adressée par sarkozy à Fillon, contrairement à Pierre Mazeaud, ex-président du Conseil constitutionnel et ex-membre de la commission balladure qui pourtant a approuvé à l’unanimité le rapport de ladite commission (il manque de constance), je me réjouis de l’exception d'inconstitutionnalité retenue par sarkozy. Il l’avait déjà évoqué lors de ses vœux à la presse le 12 janvier 2006 lorsqu’il était Ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire : " Je propose qu'à l'occasion d'un procès, tout plaignant qui estime que la loi en vertu de laquelle il risque d'être condamné est contraire à la Constitution puisse soulever une exception d'inconstitutionnalité. Si le Président de la juridiction estime que le motif est sérieux, il décide de surseoir à statuer et saisit le Conseil Constitutionnel. " Dans cette lettre publique, sarkozy précise : " La question de constitutionnalité pourrait être posée à tout moment de la procédure, mais les juridictions ordinaires seraient tenues soit de l’écarter, soit d’en saisir, par voie de question préalable, le Conseil d’Etat ou la Cour de cassation, selon l’ordre de juridiction saisi, charge à ces deux cours suprêmes d’écarter les questions sans fondement et de saisir le Conseil constitutionnel des autres. " Il ajoute "ce progrès majeur de l’Etat de droit doit être concilié avec le souci légitime de la sécurité juridique et le respect du rôle du Parlement. Ces précautions me paraissent le permettre. " Je suis attaché à la sécurité juridique dès lors qu’elle ne va pas à l’encontre du principe de l’égalité. Or à ce jour la sécurité juridique prévaut sur la légalité ce qui me paraît fort préjudiciable. Il est regrettable que cette possibilité soit uniquement dans le cadre d’une procédure judiciaire.
L’exception d'inconstitutionnalité existait déjà, sur l’initiative de Jacques Chirac, dans l'article 5 de la Charte de l'environnement, intégrée à notre Constitution qui permet, en théorie, à tout citoyen de l'invoquer mais uniquement en matière environnementale et en cas de non-respect du principe de précaution que Jacques Attali souhaite voir son abrogation. C’est navrant ! Je constate que pour l’instant sarkozy n’en dit mot sur ce point.
Que les Français résidant à l’étranger aient la possibilité d’élire des députés, que tout citoyen puisse saisir le défenseur des droits fondamentaux "qui serait chargé notamment d’aider nos concitoyens victimes des erreurs, des lenteurs et des dysfonctionnements inhérents à toute administration, à faire valoir leurs droits, que soit créé "un statut de l’opposition destiné à mieux protéger les droits des minorités " et que le Parlement, puisse exiger et obtenir du gouvernement que soient pris, dans des délais raisonnables, (sarkozy propose un mois) les décrets d’application des lois " [car comme il l’écrit "trop de lois demeurent trop longtemps inapplicables en l’absence de leurs textes d’application ")], tout ceci participe au contentement. Au demeurant ce n’est pas les cas pour toutes les propositions de sarkozy contenu dans ladite missive.
Dans cette même lettre, sarkozy écrit "Après réflexion, je ne pense pas qu’il soit souhaitable que les articles 5, 20 et 21, qui précisent la répartition des rôles entre le président de la République, le Premier ministre et le gouvernement, soient modifiés". Ceci est plutôt réconfortant, considérant son caractère impétueux, pour ne pas dire plus. Hors cohabitation nous sommes dans un régime quasi-présidentiel et en toute occurrence en monarchie élective. C’est pourquoi sarkozy a choisi de laisser en l’état les articles de la Constitution concernés. Il est aisé de constater, qu’à ce jour, il contrôle les moindres agissements du gouvernement. " Avec la pratique sarkozienne du pouvoir, nous observons l’accentuation de la dérive absolutiste. Le centre de gravité de la République s’est déplacé vers le président. Le parlement n’est plus qu’un théâtre artificiel et les conseillers ont remplacé les ministres, transformés en figurants dépossédés du pouvoir de décider. Le problème, c’est que les conseillers du président, le secrétaire général, le Président lui-même, tous ceux qui font la politique, ne rendent de comptes à personne. Cette situation n’existe dans aucune démocratie contemporaine. Nous sommes sur la pente inquiétante de l’excès de pouvoir, que rien ne pourra arrêter ! Le droit donné au président de la République de se présenter devant l’Assemblée, comme le propose la commission Balladur, serait-il une avancée ? Au contraire, ce serait un recul. S’il se présente devant l’Assemblée, le président doit encourir la censure. L’équilibre des pouvoirs l’exige : le parlement a droit de vie et de mort sur le gouvernement avec la censure, et le président a droit de vie et de mort sur le parlement avec la dissolution. Or, en se présentant devant l’Hémicycle, Nicolas Sarkozy tiendrait les députés en respect avec l’arme de la dissolution sans que ceux-ci puissent le censurer. " (Arnaud Montebourg 1er novembre 2007). Cette situation de faits est en violation de notre constitution. Autre hypothèse, en cas de cohabitation, qui dans la pratique illustre plutôt un régime parlementaire, celle-ci aurait pour avantage de permettre aux français de rectifier leur erreur lors d’un précédent vote législatif ou même présidentiel. Dans une telle circonstance, quelles turpitudes pourraient nous réserver sarkozy ?
Sarkozy, dans ce maintien en l’état de ces articles, fait une exception. En matière de défense, il demande de préciser la répartition des compétences au sein de l’exécutif. C’est à dire entre le Président, le Premier Ministre et le Ministre des armées. La justification d’une telle demande paraît absconse : "pour des raisons de sécurité, de clarté et de rapidité dans la prise de décision " ?
Au sujet du cumul des mandats, sarkozy demande à Fillon d’organiser des concertations. C’est habile mais les Français ne seront pas dupes de cette supercherie car cela revient, de fait, à écarter cette proposition. Les parlementaires, qui sont les premiers concernés, refuseront de valider un tel projet de loi car 82% de nos députés sont par ailleurs élus locaux, maire ou conseiller général (à l’image de Jean-François Copé député, président de groupe UMP, conseiller régional, maire de Meaux et… avocat d'affaires). Signé cette pétition contre le cumul des mandats. car en fait ce que souhaite sarkozy, c’est le rejet d’un projet de non-cumul qui ne proviendrait pas de lui mais des parlementaires. Il est révélateur que sarkozy précise "j’observe qu’il n’existe pas de preuve de ce que les parlementaires ayant un mandat unique seraient meilleurs ou plus investis que ceux qui cumulent celui-ci avec un mandat local. " Son sens de l’observation ne semble pas très développé. Il se fout de nous ? Penser et agir en bonne entente avec les élus locaux devrait suffire.
C’est incroyable ! Les parlementaires sont juges et parties et personne ne s’en émeut. Est ce cela la Démocratie ? Il conviendrait que pour toutes mesures intéressant de prêt ou de loin les parlementaires une autre institution, indépendante, en soit saisie. Par exemple, en réponse au Comité de réflexion Balladur qui recommande à tout le moins que les parlementaires ne puissent exercer quelque fonction exécutive locale que ce soit, Jean-Claude Gaudin, sénateur Maire de Marseille, avait déclaré, sur France 2, au prétexte que son mandat de sénateur est indispensable pour défendre les intérêts de sa ville : "La lutte contre cumul des mandats est la tarte à la crème de la démagogie". Quant à François Bayrou en briguant le poste de la mairie de Pau n’entend-t-il pas cumuler celui-ci avec sa fonction de député ? Pour l’heure, seule Ségoléne Royal, Présidente de la région Poitou-Charentes, a mis en adéquation ses actes avec ses pensées en ne se présentant pas aux législatives (comme indiqué dans mon précédent post). Il est regrettable que ni le Comité Balladur sur la réforme des institutions, ni sarkozy n’ait retenu le conseil de Devedjian visant à être "plus rigoureux" aujourd'hui sur le cumul d'un mandat d'élu avec "un exercice professionnel", au risque permanent de conflit d’intérêt.
Même raisonnement lorsqu’il demande aux parlementaires c’est à dire aux personnes concernées de se prononcer sur le "renforcement des sanctions contre l’absentéisme parlementaire "… ceci va-t-il accoucher d’une souris. Ce sera du genre avertissement et dans les cas les plus graves blâme… LOLL
Pourquoi sarkozy souhaite t-il que "le CSM (Conseil Supérieur de la Magistrature) ne doit plus être composé à majorité de magistrats " ? Continue-t-il son travail de sape sur la justice ? Ceci est très grave et il convient de s’en soucier. Sarkozy propose que le Président de la République doit cesser de présider le CSM mais ajoute "en revanche que le ministre de la justice, garde des sceaux, doit conserver la possibilité de participer aux séances non disciplinaires du CSM ". Dati ou sarkozy, bonnet blanc ou blanc bonnet. Le changement est minime.
Sarkozy veut que "le nombre de mandats successifs d’un même Président de la République soit limité à deux. " Fera-t-il comme Poutine ? C’est à dire envisager de devenir 5 ans Premier ministre, en soutenant une candidature fantoche qui le remplacerait provisoirement pour ensuite briguer de nouveau le poste de Président de la République ?
Notre constitution porte en son article 16 le germe d’une dictature, qui confère les pleins pouvoirs au président dans des circonstances exceptionnelles. Cette épée de Damocles sur nos têtes ne sera pas supprimée, mais tout au plus encadrée. Ceci est plus que regrettable. C’est dangereux !
Rien sur l'impunité présidentielle …….