Conjuguée à la décentralisation, la primauté accordée à la stabilité juridique se fait au détriment de la légalité
Entre l’exigence de légalité et la nécessité de garantir une certaine sécurité juridique, il me semble qu’il faille privilégier la légalité sinon c’est de facto permettre des malversations. A ce titre, il semble que la possibilité de retrait d’un acte soit le bon indicateur.
Les règlements peuvent toujours être abrogés ou retirés par l'autorité compétente, car " nul n'a de droits acquis au maintien d'un règlement ", et l’administration doit satisfaire " toute demande tendant à l'abrogation d'un règlement illégal "(1). Une disposition réglementaire ne peut être contraire à un texte qui lui est supérieur dans la hiérarchie normative. Ainsi l’exigence de légalité est affirmée, parfois même au préjudice de la sécurité juridique.
En qui concerne les actes individuels, formalisés, créateurs de droits, (2) la haute juridiction administrative rend une décision au profit de la sécurité juridique. En effet, qu’il y ait eu publicité ou non, le retrait d’une décision créatrice de droit peut s’effectuer dans un délai prétoriennement fixé à quatre mois à compter de la prise de décision.
L’arrêt ville de Bagneux en tant qu’il permet à un tiers, qui serait lésé, d’intenter un recours à tout moment, n’est pas remis en question. De même il ne semble par remettre en cause l’étroite dépendance d’un acte par rapport à un autre qui oblige le retrait d’un acte subséquent à celui qui a été annulé pour illégalité, même hors délais (3).
Le juge administratif, comme le législateur, a une propension à favoriser la sécurité juridique par rapport à la légalité.
S’agissant des décisions implicites créatrices de droits, l’absence de publication permet le retrait de celles-ci, si elles sont entachées d’illégalités et dans un délai de deux mois (4). Par contre, si l’information prévue a été donnée aux tiers dans un délais de deux mois, alors le retrait de la décision illégale est possible dans le délai du recours contentieux (5)
Que ce soit du fait du législateur ou des juridictions administratives, les délais fixés, permettant le retrait ou le recours sont relativement cours, caractérisant ainsi la primauté accordée à la sécurité juridique, même si la légalité du retrait reste conditionnée à l'existence d'une illégalité..
Favoriser la sécurité juridique peut être au détriment de la légalité. De plus, le fait que l’ensemble des actes ne soit pas soumis obligatoirement au contrôle de légalité ne facilite pas le dépistage d’éventuelles irrégularités. (6)
Par ailleurs, étant donné que, généralement, le recours est enfermé dans un délai, cela permet à un acte illégal de perdurer ad vitam eternam, dés lors que ledit délai est dépassé.
Force est de constater que la primauté accordée à la stabilité juridique est une prime accordée à l’illégalité. Par exemple, du fait des différentes lois de décentralisation n’ayant prévu aucun contre-pouvoir, celles-ci, plus particulièrement celle de 1982, ont créé de petites souverainetés locales. Les chambres régionales des comptes (7) et les Préfectures qui effectuent le contrôle de légalité, à posteriori, manquent de moyen tant en personnel qu’en matériel et ne peuvent assurer pleinement les missions qui leur sont dévolues. Il en est, de même, des juridictions administratives appelées à prendre la décision.
Toute jurisprudence, notamment l’arrêt Ternon peut être remis en cause par un texte législatif. L’état de droit gagnerait à ce que le législateur se saisisse tant de la problématique liée à la primauté accordée à la stabilité juridique, au détriment de la légalité, que du renforcement des contre-pouvoirs.
Ceci ne semble pas être leur préoccupation. Il faut dire que le cumul des mandats ne favorise pas cette évolution. Les députés-Maires ne sauraient adopter une loi qui restreindrait leur propre pouvoir en tant qu’autorité territoriale. Par le cumul des mandats, ils sont en l’espèce juges et parties.
(1) article 3 du décret du 28 novembre 1983
(2) Conseil d'Etat le 26 octobre 2001 Ternon
(3) CE, sect., 3 nov. 1995, Velluet
(4) article 23 de la loi n° 2000 -321 du 12 avril 2000, relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l’administration
(5) CE, ass., 1er juin 1973, Min. équip. et log. c/ Épx Roulin
(6) sont soumis à l’obligation de transmission uniquement les actes énoncés dans les articles du Code Général des Collectivités territoriales L 2131-2 CT pour les communes, L3131-2 pour les départements et L4141-2 pour les régions.
(7) d’autant que la révision du 28 juillet 2008 de l’article 47-2 de la constitution lui confie en plus, des missions d’audit et que ces dernières sont privilégiées à ses missions de contrôles de gestion